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C'est moi que vous photographiez ?

Vos yeux semblaient m'interroger:

Qui êtes-vous ? Vous m'intimidez. Dans un soixantième de seconde je ne suis plus à vous. Finalement ce jeu ne me déplaît pas. Oui, je comprends, je dois vous plaire. Ah oui, carrément ! Ne vous gênez pas ! Mais je ne vous permets pas ! Remarquez, je suis flattée.​ Allez, je fais comme si je ne vous avais pas vu.

Quels yeux disent quoi ?

Elles se sont échappées du monde de cocktails et d'intellectuelle nonchalance des tableaux d'Alex Katz, déclinaison à l'infini de la même jeune femme, se sont évadées des chansons de Vincent Delerm, et c'est l'été sur le trottoir, robes à pois et sandales, ont franchi l'espace et le temps d'un récit d'Olivier Rolin, apparitions, goutte d'eau brillante, songes que la nuit a emportés.

 

Baudelairiennes passantes.

 

Elles se sont échappées pour se trouver là, sous les yeux de François, rien que pour ses yeux, rien que pour le temps d'une image, héroïnes de cet instant d'immobilité vive.

 

Fugitives beautés.

 

Plus que baudelairiennes, sans doute François les dirait pouchkiniennes.

 

 Je songe à l'heure ravissante

 Où dans ma vie tu as passé

 Comme une vision fuyante

 Et comme un ange de beauté. *

 

Toujours, même quand elles feignent de se maquiller, de pianoter sur leur téléphone ou d'être absorbées au loin, elles sont conscientes de son regard.

 

Mais dans cet instant où elles s'échappent pour le photographe, elles semblent aussi s'échapper de l'image, capturées elles ne le sont jamais, pas de drame, la légèreté de ce qui vous ravit en passant puis que le vent (le temps) emporte.

Elle a failli me dire un truc et puis finalement pas. Mystère à jamais. Pour lui, pour nous. L'instant fugitif ne dit pas tout, ne sait pas.

 

Elles sont couleurs et noir profond, coton, fourrure et soie, hiver et été, chapeautées et dénudées, gracieuses et joueuses, boudeuses et rieuses, effrontées et tatouées, inspirées et maquillées, simples et sophistiquées, voyageuses et moqueuses. Toujours gourmandes. Toujours libres.

 

Elles lui ont échappé.

 

 I'm sorry I met you darling,

 I'm sorry I left you

 

Pas la gravité des paroles, juste la légèreté brillante et dansante de la chanson de The Last Shadow Puppets, à tue-tête.

Reste la photo

Souveraine

Vivante

Pour l'éternité

 

 Mais l'âme se réveille ardente

 Car de nouveau tu as passé

 Comme une vision fuyante

 Et comme un ange de beauté. *

Isabelle Orloff

* Pouchkine « A*** » 1823

Elles

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